Le cyclisme, à l’instar de nombreux autres sports, n’a pas échappé à l’ère des données. Des capteurs intégrés aux vélos aux montres connectées, en passant par les logiciels d’analyse de performances, le cycliste moderne est entouré de chiffres. La puissance en watts, la cadence, la fréquence cardiaque, le rapport poids/puissance… Tout est mesurable, analysable, et optimisable. Mais cette intrusion massive des données dans le cyclisme a-t-elle réellement révolutionné la manière dont les cyclistes performent ? Ou au final, ces données ne sont-elles que des indicateurs parmi tant d’autres, peu déterminants une fois sur la route ?
La science au service de la performance
Les données offrent, en théorie, une promesse alléchante, celle de quantifier les efforts pour maximiser les performances. Prenons l'exemple de l’analyse de puissance. Avec un capteur de puissance, chaque coup de pédale devient une information pour comprendre l’effort fourni et optimiser la dépense énergétique. Les équipes professionnelles l’ont bien compris et les entraînements sont de plus en plus basés sur des seuils définis par ces chiffres, avec pour objectif d’atteindre une optimisation millimétrée de la condition physique.
À haut niveau, l’utilisation de ces données va encore plus loin. Les équipes analysent les parcours pour anticiper les besoins énergétiques de leurs coureurs, simulent les scénarios de course, et s’appuient sur l’intelligence artificielle pour ajuster les stratégies. Le cyclisme semble ainsi s’inscrire dans une logique où l’analyse des données devient indispensable.
Un monde parfait… sur le papier
Cependant, toute cette collecte de données ne garantit pas la performance. Si elle permet d’objectiver certains paramètres, elle ne prend pas en compte l'imprévu, l'humain, et surtout, l’aspect mental. Un cycliste n’est pas une machine ; il ne fonctionne pas uniquement en fonction des chiffres. Fatigue accumulée, stress, motivation, conditions météo ou encore la dynamique du peloton : ces éléments ne sont pas facilement quantifiables. Très souvent, ce sont ces facteurs intangibles qui font toute la différence dans une course.
En réalité, l’omniprésence des données peut parfois devenir un frein plutôt qu’un levier de performance. Se focaliser sur des chiffres peut entraîner une perte de sensations, pourtant essentielles pour réagir aux imprévu. Certains coureurs parlent même d'une "paralysie de l'analyse", où l'excès d’informations finit par brouiller leur jugement.
Une promesse scientifique aux résultats parfois limites
L’une des critiques récurrentes est que ces analyses de données fournissent souvent des résultats généraux, valables pour un grand nombre de cyclistes, mais sans réelle spécificité pour un individu particulier. Les algorithmes traitent les données de manière statistique, cherchant à modéliser la performance idéale. Mais l’idéal statistique n’est pas toujours celui qui fonctionne dans la réalité de la vie. La variabilité humaine et la capacité à gérer l’imprévu restent des facteurs clés, souvent négligés par l’analyse des données.
J’ai doté Sorius d’une intelligence artificielle qui s’adapte à chaque individualité. On lui fournit les informations sur les sensations du jour, les jours d’entraînement, et Sorius calibre tout en fonction des éléments apportés, recalculant même en temps réel s’il y a un changement de programme au dernier moment. Je comprends les données puisque je les analyse aussi, mais je fais en sorte qu’elles n’interviennent pas pour déstabiliser le mental, qu’elles n’influencent pas la manière de pédaler.
J’ai vu des coureurs en pleine forme à l’entraînement et en stage prendre un coup au moral fatal à cause d’une légère baisse de leurs statistiques. Très peu d’entraîneurs sont capables d’expliquer que ça va aller, ils s’en tiennent obstinément à leurs données et essaient de compenser par l’entraînement, ce qui est souvent un très mauvais choix. Les données, c’est quitte ou double, il faut être prudent, ça use la tête !
En résumé : les données, un appui mais pas une finalité
Si les données ont sans doute amélioré la préparation des cyclistes, elles ne remplacent pas l’instinct, l’expérience, et la capacité à s’adapter. Pour un scientifique ou un coach, observer ces métriques et ajuster les plans d’entraînement est sûrement passionnant. Mais pour le cycliste, celui qui est sur la selle, au cœur de l’action, ces chiffres restent au final des indicateurs parmi tant d’autres. L’effort, c’est avant tout un combat intérieur, une gestion des doutes et des douleurs, où la réflexion et l’intuition pèsent souvent plus lourd que n’importe quelle donnée affichée sur un écran. Parce qu’au bout du compte, le cycliste, qu'il soit professionnel ou amateur, s'il passe plus de temps à réfléchir sur ses données, il passera naturellement plus de temps à se poser des question et donc à douter, qu’à simplement se concentrer sur son objectif final, pédaler pour gagner.
Niels
Fondateur de l'application d'entraînement Sorius
Disponible sur App Store et Google Play
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